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LES LANGUES ET LES NATIONALITÉS AU CANADA

tant unis de sentiments et d’affection, ne voudraient, pour rien au monde, lui être réunis politiquement. La France d’où sont venus leurs ancêtres était si différente de la France actuelle que les anciennes institutions françaises conservées par la province de Québec se rapprochent beaucoup plus des institutions de l’Angleterre que de celles de la France moderne. Tellement même, que, de toutes les provinces du Canada, cette province est celle où les lois, les mœurs, les coutumes et les idées sont le plus britanniques, les autres étant surtout américaines sous ces différents rapports. Aussi, si demain on instituait un référendum pour le maintien ou la rupture du lien britannique, la province de Québec serait certainement celle qui donnerait la plus grosse majorité pour le maintien du statu quo.

C’est que les Canadiens-français sont attachés à l’Angleterre, non par une affection sentimentale, comme les Anglo-Canadiens, mais par le lien de leurs intérêts bien compris. Or, quand il s’agit d’alliances internationales ou de relations de colonie à métropole, les sentiments peuvent produire des éclats bruyants et des démonstrations tapageuses. Mais, ils ont l’inconvénient de se traduire difficilement en pratique et de se briser facilement, aussitôt qu’ils entrent en conflit avec une opposition d’intérêts bien marquée. Exemples : George Washington et les colons américains, par rapport à l’Angleterre, au XVIIIe siècle et, si l’on veut, les sentiments d’amour et d’affection des Canadiens-français à l’égard de la France.

L’union fondée sur les intérêts réciproques bien compris, quoique moins démonstrative et moins bruyante, est bien plus solide. Or, telle est précisément la nature du lien qui unit les Canadiens-français à la Grande-Bretagne. Ne pouvant, ni ne voulant être réunis à la France, ils se rendent parfaitement compte que le lien britannique est le seul préservatif qui les empêche d’être absorbés et annihilés dans le grand-tout, américain. Et voilà pourquoi leur loyalisme, tout en étant moins bruyant que celui de certains Bostonnais de ma connaissance, a cependant été démontré beaucoup plus efficace, chaque fois qu’il s’est trouvé en présence d’une circonstance critique pour l’Angleterre.