pour ainsi parler, et fort à contre-cœur, sachant surtout que ce n’était pas le véritable titre de l’ouvrage, celui qu’il portait autrefois et sous lequel il a été traduit à l’étranger. Ce vrai titre, tiré du nom de l’héroïne, était, sans aucun doute : La Reine Sibile. Mais comment le conserver à la version que je publie, où Sibile s’appelle Blanchefleur ? Substituer ce nouveau nom à l’ancien ce n’était pas remédier au mal ; c’était plutôt l’aggraver en introduisant un élément de confusion dans le catalogue de notre histoire littéraire. En effet, ce nom gracieux de Blanchefleur, si cher aux trouvères, se trouve déjà en tête d’une de leurs compositions, et bien qu’il y soit associé à un autre, je n’étais pas sans craindre cette répétition dans la série des titres de nos anciens poëmes. Voilà comment j’ai été conduit à préférer le nom d’un coquin à celui d’une reine vertueuse.
C’est dire assez que je n’avais guère à choisir qu’entre ces deux noms : celui de l’innocence et celui de son persécuteur. Il y a bien encore dans cette curieuse composition un troisième personnage qui y joue un grand rôle ; un personnage que l’histoire a longtemps emprunté au roman, que les arts, que le théâtre ont rendu populaire et dont l’érudition a discuté l’existence dans une savante dissertation. Ce n’est qu’un chien, il est vrai mais un chien célèbre : le chien de Montargis. Par malheur, je ne pouvais me servir de ce titre tout fait sans me rendre coupable d’un gros anachronisme, puisque le chien de Montargis n’a été ainsi nommé que longtemps après sa naissance, c’est-à-dire longtemps après la fin du