Page:Anonyme - Macaire, chanson de geste.djvu/130

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Préface.

malheureuse reine s’appelait Sibile. Pourquoi a-t-elle nom Blanchefleur dans le texte de Venise ? Je l’ignore. Mais je suis sûr, par les raisons précédemment alléguées, qu’entre la version vénitienne de Macaire et la version française dont parle Albéric, il y avait de bien autres différences et de fond et de forme. N’est-il pas possible que dans la version primitive, en vers de dix syllabes, représentée, selon moi, par le texte de la bibliothèque de Saint-Marc, l’héroïne se nommât Blanchefleur, et qu’un réviseur, en changeant le mètre du poëme et en compliquant la fable, ait aussi jugé à propos de changer le nom du principal personnage, soit pour faire oublier la première narration, soit pour donner plus de nouveauté à la sienne, soit pour quelque autre raison difficile à deviner ? Il n’y a rien là qui répugne à la vraisemblance. Mais eût-on sujet de croire que ce changement de nom est du fait de notre Italien, qu’en résulterait-il ? C’est qu’il aurait modifié son modèle un peu plus que je ne l’imagine. En ce cas, les vers où figure le nom de Blanchefleur seraient à refaire. Voilà tout. Je les aurais refaits, si, dans le doute, on ne devait s’abstenir, et ici le doute était plus que permis.

En somme, je ne vois pas sur quel fondement solide on s’appuierait pour attribuer au poëme de Macaire l’originalité que je lui dénie. Je vois, au contraire, les raisons principales qu’on pourrait mettre en avant dans cette direction se retourner contre qui les voudrait faire valoir, et militer à l’inverse en ma faveur. En effet, si Macaire est en la forme l’œuvre d’un Italien qui