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Page:Anonyme - Macaire, chanson de geste.djvu/154

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Sommaire.

ses péchés, on les confesse tous. J’ai entendu la confession de la reine, et je la juge innocente du crime dont on l’accuse. De plus, j’ai appris d’elle qu’elle est enceinte. Songez donc, noble roi, à ce que vous allez faire. Songez qu’en ordonnant sa mort vous pécheriez plus encore que celui qui accusa Dieu et le fit clouer sur la croix. » Ainsi parle l’abbé. Le duc Naimes voit bien à son langage que la reine n’est pas coupable : « Sire empereur, dit-il, si vous voulez suivre mon conseil, vous n’encourrez aucun blâme, et serez au contraire approuvé de chacun. Puisque la reine est enceinte, vous ne pouvez la faire périr ainsi. Qu’il vous plaise donc de la faire conduire par un des vôtres en pays étranger, loin de votre royaume, avec ordre de ne se laisser voir ni regarder par personne. — Bon conseil ! dit Charlemagne ; vous ne m’en sauriez donner un meilleur. Je le suivrai. » Aussitôt on éloigne la reine du bûcher, et chacun en rend grâces à Dieu. Le roi lui dit : « Noble reine vous m’étiez bien chère ; je ne puis plus vous aimer, mais je consens à vous faire grâce de la vie, à condition que vous alliez si loin qu’on ne vous revoie jamais. Je vous ferai accompagner jusqu’aux frontières de mon royaume. » À ces mots, la dame se prend à pleurer. « Allez faire vos apprêts, dit le roi, et prenez de l’argent pour vos dépenses. » La reine obéit, et se retire dans sa chambre pour s’apprêter au départ. Le roi, cependant, fait mander un de ses damoiseaux, un parent de Morant de Rivier, nommé Aubri, le plus courtois, le plus preux, le plus loyal qui se pût trouver à la cour. « Aubri, lui dit il, il vous faut partir avec la reine et l’accompagner jusqu’à ce qu’elle soit