Page:Anonyme - Macaire, chanson de geste.djvu/170

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quitte à regret. Jamais reine, je puis vous l’assurer, ne fut tant honorée par son époux que votre fille par le roi Charles ; mais pour elle, elle a oublié tous ses devoirs envers lui. Il l’a trouvée en péché avec un nain et c’est pourquoi il vous mande par ma bouche de ne point trouver mauvais qu’il fasse justice. » L’empereur l’entend et est saisi d’étonnement ; mais l’impératrice, qui a élevé sa fille et qui connaît son cœur, ne peut se tenir de répondre au messager : « Frère, vous avez perdu le sens. Je connais bien celle que j’ai portée dans mes flancs, et ce que vous dites n’est rien que fausseté. Il ne se peut faire que ma fille ait été assez osée pour manquer à la foi qu’elle doit à son seigneur. C’est à tort qu’on l’accuse ; à droit, je le nie. Il n’est dame plus loyale dans toute la chrétienté, et c’est le roi qui fait mal de la croire coupable. » L’empereur ajoute : « Oui, c’est à la légère que le roi de France accuse ma fille.... Avec un nain ! J’en suis si confondu que j’en perdrais la raison. Quand vous serez de retour, vous direz de ma part à votre roi qu’il se garde bien de jamais faire aucun mal à ma fille. S’il l’a trouvée en péché, qu’il me l’envoie, et sans retard, pour que je sache d’elle la vérité. Si elle s’avoue coupable, malheur à elle ! mais en attendant ne la venez point accuser devant moi, car je ne saurais mal penser de ma fille, et elle doit être calomniée par quelque mauvais renégat. N’oubliez pas ce que je vous dis là. Si son époux la fait juger sans que je l’aie entendue, sans que j’aie appris d’elle la vérité, ce sera pour mon cœur un grand deuil et je mettrai toute ma puissance à la venger. — Sire, dit le messager, votre réponse sera fidèlement rapportée