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Préface.

ter soit à l’histoire, soit à des récits légendaires antérieurs au sien.

S’il en fallait croire le moine de Trois-Fontaines, l’héroïne de ce récit ne serait autre que la fille de Didier, roi des Lombards, répudiée par Charlemagne après un an de mariage ; cette répudiation aurait été le germe de la chanson de la Reine Sibile[1]. Il est très-vrai que Charlemagne, en 771, répudia la seconde de ses neuf femmes, Désirée, fille de Didier, un an après l’avoir épousée ; mais on n’a jamais su pourquoi, et le moine de Trois-Fontaines en convient lui-même : Incertum qua de causa. Dès lors, comment sait-il si bien que c’est Désirée qui a été chantée sous le nom de Sibile ? Pourquoi Désirée plutôt qu’Himiltrude, aussi répudiée avant elle ? Il y a grande apparence que le bon moine, cherchant à rattacher les chansons de geste à l’histoire véritable, aura imaginé cette attribution on ne peut plus douteuse. L’auteur de la chanson de la Reine Sibile n’avait pas plus en vue Himiltrude que Désirée, et s’il eût été de l’école de Chrestien de Troyes, son héroïne serait sans doute la femme du roi Artus au lieu d’être celle de Charlemagne. Il s’est proposé simplement d’intéresser aux malheurs d’une reine injustement accusée et punie, dont l’innocence est à la fin reconnue. Voilà le thème de son ouvrage et de bien d’autres qu’il faudrait pouvoir comparer et classer historiquement pour savoir d’où part l’idée qui en fait le fond, et ce

  1. Voyez ci-dessus, p. xii.