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introduction

celle qui commence à la tirade CCL. D’ailleurs le caractère purement romanesque de cette seconde partie forme un contraste frappant avec le ton véritablement épique des récits qui composent la partie ancienne du poème. Le procédé grâce auquel Béatrix, enlevée à son époux, réussit à lui garder sa foi, l’artifice que celui-ci emploie pour la reprendre, les fortunes diverses de Bernier chez les Sarrazins, sa rencontre avec son fils sur le champ de bataille, la reconnaissance du père et du fils, sont autant d’événements où se reconnaît l’influence des romans d’aventure[1]. Nous pouvons donc, à nous en tenir aux seules données du poème, affirmer en toute sécurité que la première partie est, dans sa composition originale, sinon dans sa forme actuelle, d’une époque beaucoup plus ancienne que la seconde. La même conclusion ressortira avec évidence de l’ensemble des recherches qu’il nous reste à présenter sur la formation et la transmission de notre chanson de geste.

Au cours du récit de la guerre de Raoul contre les fils Herbert de Vermandois, se lisent ces vers :

Bertolais dist que chançon en fera,
Jamais jougleres tele ne chantera.

Mout par fu preus et saiges Bertolais,
2445Et de Loon fu il nez et estrais,
Et de paraige, del miex et del belais.
De la bataille vi tot le gregnor fais ;
Chanson en fist, n’orreis milor jamais,
Puis a esté oïe en maint palais,
2450Del sor Gueri et de dame Aalais…

  1. Les noms mêmes des guerriers sarrazins sont empruntés à la littérature des chansons de geste. Voir, à la table, les noms Aucibier, Boidant, Corsabré, Corsuble, Salatré.