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Page:Anonyme - Relation envoyée de Brest au sujet d’un monstre ou homme marin, 1725.djvu/2

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ſeulement un coup ſur le dos ſans le piquer, pour l’engager à ſe retourner, afin de le mieux conſiderer. Quand le Monſtre ſe ſentit frapé, il preſenta le viſage, les deux mains fermées, comme s’il eût marqué de la colere, enſuite il fit le tour du Navire ; & quand il fut à l’arriere, il ſaiſit avec ſes deux mains le gouvernail, en nous obligeant de l’aſſûrer avec deux pallans, de crainte qu’il ne l’endommageât. Delà il paſſa à tribord en nageant toûjours de la même maniere que les hommes nagent. Lorſqu’il fut à notre avant, il conſidera quelque temps la figure qui étoit à notre prouë, laquelle repreſentoit une belle femme ; après quoi il prit la ſoubarbe du Beau-pré, & s’éleva hors de l’eau, comme s’il eut voulu prendre cette figure ; tout cela ſe paſſa à la vûe de tout l’équipage. Il revint enſuite à bas-bord, où on lui preſenta une moluë pendu avec une corde, il la mania avec ſes mains ſans l’endomager, après quoi il s’éloigna à la longueur d’un cable ; puis il revint à nôtre arriere, où il reprit de nouveau le gouvernail. Dans ce moment le Capitaine Morin fit preparer un harpon pour le harponner, & le prit lui-même pour lui lancer le coup ; mais le cordage du harpon s’étant embaraſſé, il manqua ſon coup, & le manche du harpon frapa ſeulement le Monſtre qui ſe retourna, en preſentant son viſage comme il avoit fait la premiere fois ; enſuite il repaſſa en nôtre avant, où il s’attacha de nouveau à conſiderer nôtre figure de prouë. Le Contre-Maître ſe fit aporter le harpon, mais la peur le prit, & il n’oſa lancer ſon coup, s’imaginant que ce Monſtre étoit le nommé LA COMMUNE, qui s’étoit tué lui même dans le Vaiſſeau l’année précedente, & qui avoit été jetté à la Mer dans ce même parage : il ſe contenta de le pouſſer par le dos avec la tranche du harpon ; & lorſqu’il ſe ſentit touché, il retourna ſon viſage, comme il avoit fait les