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Page:Anonyme - Relation envoyée de Brest au sujet d’un monstre ou homme marin, 1725.djvu/3

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autres fois ; enſuite il vint le long du bord, de maniere qu’on auroit pû lui donner la main. Il eut la hardieſſe de prendre un cordage que tenoient Jean Maſier & Jean Desffiette, qui ayant voulu lui arracher des mains, le tirerent du côté du bord, mais le cordage étant au bout, il ſe laiſſa retomber à l’eau, après quoi il s’éloigna d’une portée de fuſil. Il revint auſſitôt près du bord, & s’élevant hors de l’eau juſqu’au nombril, nous remarquâmes que ſon ſein étoit auſſi gros que celui d’une femme du meilleur embompoint ; il ſe retourna enſuite ſur le dos, & nous laiſſa voir ſa nature, ſemblable à celle d’un cheval entier ; il fit derechef le tour du Navire, & paſſant à nôtre arriere, & ayant le dos tourné, il s’éleva hors de l’eau, & fit ſes neceſſités, après quoi il s’éloigna, & nous ne l’avons plus revû.

Je juge que depuis les dix heures juſqu’a midi que ce Monſtre a eſté le long de nôtre bord, ſi la peur ne s’étoit pas répanduë dans l’équipage, on auroit pû le prendre pluſieurs fois avec la main, n’étant éloigné que de deux pieds. Cet homme Marin a environ huit pieds de long, la peau eſt brune & bazannée, ſans nul écaille, tous ſes mouvemens ſemblables à ceux des hommes ; les yeux bien proportionnez, la gueulle petite, le nez fort camard, large & plat, les dents tres-blanches, les cheveux noirs & droits, le menton couvert de barbe mouſſeuſe, des eſpeces de mouſtaches ſous le nez, les oreilles comme celles des hommes, des nageoires entre les doigts des mains & des pieds comme les canards, ſemblable en un mot à un homme bienfait : ce qui eſt certifié veritable par le Capitaine Olivier Morin, de Jean Martin Pilote de la Marie de Grace, & de tout l’Equipage compoſé de trente-deux perſonnes.