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le marteau menaçant de la colère du peuple, qui est prêt à comprendre le traquenard dans lequel on l’a engagé, et l’enclume implacable de l’armée allemande, est angoissante et pleine de périls. Si petit que soit le nombre et si grand que soit l’aveuglement des exaltés sincères du parti extrémiste, ses chefs se rendent bien compte de la nécessité impérieuse pour eux de fournir la justification de leurs gestes et actes. Ils savent que les exaltés et les fanatiques ne badinent pas et que leurs têtes sont en jeu. Et puis, il y a leur orgueil illimité qui les fait s’accrocher désespérément au pouvoir.

Prenons l’intelligent et ardent Trotsky, cet hôte des prisons de l’univers, banni de Russie, pourchassé dans les pays alliés, qui traite d’égal à égal avec les souverains des Empires du Centre, qui défie la France, qui menace l’Angleterre, qui insulte les États-Unis. Humble juif hier, aujourd’hui potentat du plus vaste pays chrétien de l’univers, voyant son nom inscrit dans l’histoire du monde, éclipsant la gloire du grand roi Salomon, Trotsky, oublieux que c’est à l’argent allemand qu’il doit son trône, se pavane, menace, fait appel à sa garde prétorienne. Mais il sent bien, au fond de son cœur, que les ouvriers, la garnison de Petrograde et les marins de la Baltique s’opposeront, encore moins que les soldats qui avaient à défendre Riga, à l’entrée triomphale, au cours des mois prochains, des cuirassés allemands dans la rade de Cronstadt et de l’armée ennemie à Petrograde. Dans tous les cas, le règne des bolcheviks touche à son terme. Les sauveurs de la Russie viendront d’un autre milieu. Déjà Lénine, paraissant vouloir jeter son froc sectaire aux orties, a proclamé l’amnistie politique générale et fait ouvertement appel aux éléments monarchiques et même aux cosaques.

Pendant ce temps-là, la maladie horrible qui a terrassé la grande Russie suit son cours. Au paroxysme bolchevik vont succéder les convulsions finales de l’anarchie. Puis viendra la période de prostration et, après, la convalescence. C’est seulement au cours de cette convalescence — qui ne sera pas, en raison de la robustesse inouïe de l’organisme, si longue, qu’on le pense