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Les aventures

ne pense pas qu’il y ait jamais eu un jeune aventurier, dont les infortunes aient commencé plutôt, & duré plus long-tems que les miennes. À peine le vaisseau étoit-il sorti de la rivière d’Humber, que le vent commença à fraîchir, & la mer à s’enfler d’une furieuse manière. Comme je n’avois pas été sur mer auparavant, la maladie & la terreur s’emparant à la fois de mon corps & de mon ame, me plongèrent dans une chagrin que je ne puis exprimer. Je commençai dès-lors à faire de sérieuses réflexions sur ce que j’avois fait, & sur la justice divine, qui châtioit en moi un enfant vagabond & désobéissant. Dès-lors tous les bons conseils de mes parens, les larmes de mon père, les prières de ma mère, se présentèrent vivement à mon esprit : & ma conscience, qui n’étoit pas encore endurci, comme elle l’a été depuis, me reprochoit d’avoir méprisé des leçons si salutaires, & de m’être éloigné de mon devoir envers mon père, & envers Dieu.

Pendant ce tems-là la tempête se renforçoit, la mer s’agitoit de plus en plus : & quoique ce ne fût rien en comparaison de ce que j’ai souvent vu depuis, & sur-tout de ce que je vis peu de jours après, toutefois c’en étoit assez pour ébranler un nouveau marinier, & un homme qui, comme moi, se voyoit dans un nouvel élément. Je m’attendois à tout moment que les flots nous