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Les aventures

avec un air ferme : Moi mourir, quand vous ordonne mourir.

Pour mettre à profit ce moment de noble fureur, je partageai les armes entre nous deux ; je lui donnai un pistolet pour mettre à sa ceinture, je lui mis trois fusils sur l’épaule ; j’en prends autant pour moi, nous nous mettons en marche. Outre mes armes, je m’étois pourvu d’une bouteille de rum, & j’avois chargé mon esclave d’un sac plein de poudre & de balles. Le seul ordre qu’il avoit à suivre étoit de marcher sur mes pas, de ne faire aucun mouvement, de ne pas dire un mot sans que je lui eusse commandé. Dans cette posture je cherchai à main droite un détour pour venir de l’autre côté de la baie, & pour gagner le bois, afin d’avoir les cannibales à la portée du fusil avant qu’ils m’eussent découvert. Je vins aisément à bout de trouver une telle route par le moyen de mes lunettes d’approche.

Tout en marchant, je ralentis beaucoup, par mes réflexions, l’ardeur qui m’avoit porté à cette entreprise ; ce n’étoit pas que le nombre des ennemis me fît peur : ils étoient nuds, & certainement j’avois lieu de nous croire plus forts qu’eux : mais les mêmes raisons qui m’avoient donné autrefois de l’horreur pour un pareil massacre, faisoient encore de vives impressions sur mon es-

prit