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Les aventures

momens il n’avoit pas la force de m’expliquer la cause de tant de mouvemens opposés ; mais étant un peu revenu à lui, il me dit que ce sauvage étoit son père.

Il m’est impossible d’exprimer jusqu’à tel degré je fus touché des transports que l’amour filial produisit dans le cœur du pauvre garçon, à la vue de son père délivré des mains de ses bourreaux. Il m’est tout aussi difficile de bien dépeindre toutes les tendre extravagances où ce spectacle le jetoit : tantôt il entroit dans le canot, tantôt il en sortoit, tantôt il y rentroit de nouveau, il s’asseyoit auprès de son père, & pour le réchauffer il en tenoit la tête serrée contre sa poitrine pendant des demi-heures entières ; il lui prenoit les mains & les pieds, roidis par la force dont ils avoient été liés, & tâchoit de les amollir en les frottant. Voyant quel étoit son dessein je lui donnai de mon rum, pour rendre ce frottement plus utile, ce qui fit beaucoup de bien au pauvre vieillard.

Cet accident nous fit oublier de poursuivre le canot des sauvages qui étoit déjà hors de notre vue : ce fut un bonheur pour nous : car deux heures après, lorsqu’ils ne pouvoient pas encore avoir fait le quart du chemin, il s’éleva un vent terrible qui continua pendant toute la nuit, &