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Voyages

aux différentes passions des hommes, afin de leur en faire voir toute la difformité.

Monime demanda à Damon si leur théatre n’étoit jamais occupé de pièces plus belles & plus intéressantes. Nous en avons d’anciennes, dit Damon, qui, sans doute, seroient plus de votre goût ; car il est bon que vous sachiez, belle dame, que personne dans l’univers n’a porté plus loin que nous la force & la beauté du tragique, ainsi que l’agréable & l’instructif du comique ; mais ces ouvrages pouvoient alors avoir quelque beauté ; c’étoit le goût de nos anciens : aujourd’hui ce goût est devenu gothique ; on périt d’ennui à toutes ces pièces. Il nous faut du neuf, & il faut convenir que nos poëtes sont supérieurement au-dessus des anciens. Tout ce qu’on nous donne à présent est au superlatif ; ce sont des intrigues légères ; de jolis contes de fées, mis en vers élégans ; des phrases sublimes & inintelligibles au vulgaire. Vous n’avez donc point de poëtes, dis-je, qui travaillent à corriger les mœurs par un badinage léger, qui fait sentir le ridicule d’un caractère bisarre & chagrin, celui d’une petite-maîtresse capricieuse & folle, enfin celui d’un avare, d’un prodigue, d’un faux brave, d’un faux savant, d’un menteur, d’un intriguant, & celui de ces gens qui se perdent dans leurs fausses politiques ? Il me