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de Milord Céton.

semble que tous ces caractères ingénieusement formés pourroient faire beaucoup d’impression sur l’esprit de vos concitoyens. Cela peut être, dit Damon ; mais vous ne pensez pas, mon cher milord, qu’avec tous vos beaux portraits, il y a des gens qui pourroient trouver très-mauvais qu’on prît la liberté d’oser les jouer en public. Je vous entends, repris-je, c’est-à-dire qu’un pauvre poëte qui craint pour ses épaules, est obligé de retenir son esprit dans les angoisses d’une gêne perpétuelle. Précisément, dit Damon, voilà le fait ; & puis je vous dirai que je troquerois toutes les belles actions qu’on nous rapporte des siècles passés pour la légéreté & la frivolité du nôtre. Il faut périr à tous ces grands récits, & Arlequin m’amuse plus lui seul que tous les philosophes ; mon cœur se dilate en le voyant, & la simple lecture des autres me pétrifie au point que je crains de devenir un marbre.

Je compris par le discours de Damon que les lunaires se sont ennuyés du beau, du vrai & du naturel, puisqu’on les voit prodiguer à de monstrueuses chimères les mêmes applaudissemens qu’on pourroit donner aux plus belles pièces. Tel est à présent le goût de ces peuples ; on les voit stupides admirateurs de toutes les nouveautés. Je remarquai que la ressource ordi-