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Voyages

je n’ai pu l’éviter ; restée seule avec lui, il a saisi cette occasion pour m’entretenir de sa passion dans des termes si touchans & si tendres, que ne pouvant donner à ce prince une réponse qui pût le satisfaire sans blesser ma gloire ; je n’ai d’abord trouvé d’autre parti que celui de garder un silence obstiné qui a paru le mettre au désespoir ; il m’a quittée dans un trouble & une agitation que je ne puis vous exprimer : mais ce qui me confond & m’anéantit est de n’avoir pu prendre assez sur moi pour répondre à ce prince ; peut-être qu’un mot favorable l’eût appaisé ; mais j’ai craint de nourrir une passion que je voudrois détruire. Cependant pénétrée des bontés de l’empereur, de ses bienfaits, son amour, sa tendress & sa complaisance, tout semble me reprocher une ingratitude dont je suis incapable. J’avoue que je l’aime ; il est le meilleur des princes, il mérite toute ma reconnoissance ; que dis-je ! j’en suis pénétrée. Hélas ! s’il pouvoit lire au fond de mon cœur & se contenter d’une amitié pure & de tous les sentimens de l’estime la plus parfaite, & même de l’admiration que ses rares vertus m’ont inspirée ! Mais je n’ai pas l’audace de le tromper, c’est de l’amour qu’il me demande, & c’est le seul sentiment que je ne puis lui accorder ; mon cœur destiné à un autre, doit lui être conservé dans toute sa pureté. Mon cher Céton, la tendresse que j’ai pour vous, ne me permet pas de