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Les aventures

dans tout le vaisseau, & les matelots nous ont avoué dans la suite qu’ils nous avoient crus tous morts.

Nous étions dans cet état affreux, quand vous nous envoyâtes des gens pour nous sauver la vie, & vous savez mieux que moi-même quelle étoit notre situation quand vous vîntes nous voir.

C’étoient-là à-peu-près les propres paroles de cette femme, & il me semble qu’il n’est pas possible de donner une description plus exacte de toutes les circonstances où se trouve une personne prête à mourir de faim. J’en suis d’autant plus persuadé, que le jeune homme me rapporta à-peu-près les mêmes particularités de l’état où il s’étoit trouvé. Il est vrai que son récit étoit moins détaillé & moins touchant, aussi y a-t-il de l’apparence qu’il avoit moins souffert, puisque sa bonne mère avoit prolongé sa vie aux dépens de la sienne, & que tout ce que la servante avoit eu de plus que la dame pour soutenir une misère si affreuse, avoit été la force de son âge & de sa constitution.

De la manière que ce fait me fut rapporté, il est certain que si ces pauvres gens n’avoient pas rencontré notre vaisseau ; ou quelqu’autre, ils auroient tous péri en peu de jours, à moins que de s’être mangés les uns les autres. Ce triste expédient même n’auroit pas servi de grand’chose,