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Les aventures

goudronner le dehors du vaisseau : venoit de faire descendre dans la pinasse deux chaudrons, l’un plein de poix bouillante, & l’autre de poix-resine, de suif, d’huile, & d’autres matières semblables. L’aide du charpentier avoit encore dans la main une grande cuiller de fer, avec laquelle il fournissoit aux autres cette liqueur chaude, & voyant deux de nos Cochinchinois entrer du côté où il étoit, il les arrosa d’une cuillerée de cette matière, qui les força à se jeter à la mer, mugissant comme deux taureaux.

C’est bien fait, Jean, s’écria là-dessus le charpentier ; ils trouvent la soupe bonne, donne-leur encore une écuellée : en même tems il court de ce côté-là avec un de ces torchons qu’on attache à un bâton pour laver le vaisseau, & le trempant dans la poix, il en jette une si grande quantité sur ces voleurs, dans le tems que Jean avec sa cuiller la leur prodigue libéralement, qu’il n’y eut pas un seul homme dans les trois barques ennemies, qui ne fût misérablement grillé. L’effet en étoit d’autant plus grand & plus prompt, que ces malheureux étoient presque tout nuds, & je puis dire que de mes jours je n’ai entendu de cris plus affreux, que ceux que poussèrent alors ces pauvres Cochinchinois.

C’est une chose digne de remarque, que,