Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 25.djvu/172

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je suis un peu bizarre ; il se pourroit faire que vous ne la retrouvassiez jamais. Cela seroit pourtant triste, car elle est bien aimable, & vous arme plus que tout autre. Mais, reprit le prince, dites—moi seulement si elle m’aimera toujours. Vous en demandez trop, dit le génie ; je ne veux pas savoir moi-même ce qui arrivera. Il faut que je vous quitte, j’ai une grande tragédie à laquelle je veux donner la naissance : je vais me retirer dans ma grotte pour y travailler ; avec votre amour transi, je vous défends de venir me détourner. Quoi ! dit Prenany, vous êtes aussi le père des tragédies ? J’avois entendu dire qu’elles devoient le jour l’histoire, votre sœur. Cela. étoit vrai autrefois, dit le génie ; mais elle a eu tant d’enfans, qu’elle est devenue stérile. C’est de moi qu’elles naissent à présent ; & sans me vanter, elles sont bien plus belles que leurs sœurs aînées. Je leur donne l’air, les manières, & l’esprit que je veux ; je suis le maître de les faire au gré du spectateur. Si je prétends, par exemple, inspirer la pitié par une mort tragique, je fais nommer à une princesse, pendant la nuit, son frère par son propre nom. Est-ce vous, un tel ? Sur le champ un amant jaloux la poignarde. Si elle eût dit : mon frère, est ce vous ? comme cela se doit faire naturellement, parce qu’elle l’a appelé ainsi toute la journée, &