ril de sa tête, que cette barbe étoit mâle ; le peuple même prenoit parti dans cette affaire. Il y eut des paris considérables dans les cafés d’Amazonie ; les uns gageoient que Solocule avoit la barbe d’une fille, les autres celle d’un garçon ; plusieurs même, qui n’avoient jamais vu la prétendue princesse, embrassoient l’une ou l’autre de ces opinions, & la soutenoient vivement, pour ne pas demeurer neutres dans une si grande querelle.
Malgré tout cela, l’obstination de la sœur de la reine l’auroit emporté sur les bruits publics & sur le sentiment du grand barbier de la couronne (qui, comme on se le peut imaginer, n’avoit pas beaucoup de crédit à la cour), sans un petit accident qui rendit public le secret du prince. Ce malheur fut que deux femmes de chambre barbues que l’on avoit données à Solocule, devinrent grosses en même temps, quoiqu’elles ne fussent jamais sorties de son appartement.
Alors il ne fut plus question que de fléchir la reine ; Solocule lui demanda la vie avec des expressions si touchantes, qu’elle en fut attendrie. L’ambition peut forcer une femme à sacrifier un enfant ; mais un instinct naturel l’empêche d’immoler un garçon de dix-sept ans. Quand Solocule eut obtenu sa grace, il prit les habits qui