Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 3.djvu/112

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L’ambitieux ſouvent encenſe par le crime
L’autel enſanglanté du criminel honneur.
À meſure qu’il monte, il ſe creuſe un abîme
Dont l’effroyable aſpect trouble & glace ſon cœur.

Que le peuple, ébloui d’une apparence vaine,
Admire le bonheur de ces fiers ſouverains ;
Portraits vivans de Dieu, leur amour ou leur haîne
Eſt l’arbitre du ſort des timides humains.

Mais rangée autour d’eux, leur garde redoutée,
Du peuple calme en vain les flots ſéditieux
Elle n’arrête pas dans leur ame agitée,
Des deſirs turbulens le flux tumultueux.

L’homme inquiet veut fuir le trouble qui l’agite.
Et ſous un autre ciel croit trouver le repos ;
Mais, triſte compagnon du chagrin qu’il évite,
Il traîne, en tous climats, la ſource de ſes maux.

Et toi, qui ſur les pas des fiers héros du Tibre,
À ta folle valeur immoles l’équité,
En trouvant criminel quiconque oſe être libre,
Montes de crime en crime à l’immortalité.

Tu meſures ta gloire aux malheurs qu’elle cauſe,
De l’univers en feu s’élève ton encens ;
Vois croître tes lauriers, plus ta main les arroſe
Des pleurs des malheureux, du ſang des innocens.

Scélérat admiré, dont les crimes deviennent,
À l’abri du ſuccès, les titres du héros,
Dans la route ſanglante ou tes fureurs t’entraînent,
Dis, moderne Pyrrhus, cherches-tu le repos ?