Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 3.djvu/114

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Ceux-là ſe trompent groſſièrement, qui s’imaginent que la religion & une morale ſévère, altèrent la bonne humeur, donnent quelque choſe de farouche à l’eſprit, & rendent l’homme incapable de contribuer aux douceurs du commerce. Quelle extravagance de se mettre dans l’eſprit, que le vice ſeul, rend quelqu’un propre à briller dans une compagnie ! Il vaudroit autant ſoutenir que la joie dépend de la folie ; l’agrément, de l’impertinence ; & la bonne humeur, d’un tranſport au cerveau. Pour moi, je ſuis ſi éloigné de cette biſarre imagination, que je crois fortement que l’on ne sauroit être véritablement gai sans être véritablement vertueux : l’eſprit même eſt auſſi compatible avec la religion, que la religion eſt compatible avec les bonnes manières.

La morale n’eſt reſſerrée dans aucunes limites, qui l’empêchent d’influer ſur les plaiſirs de la ſociété. Si elle en bannit les diſcours vicieux & indécens, elle augmente par-là l’agrément de la converſation, bien loin de le diminuer. On remarquera même toujours que la joie d’un homme vertueux eſt de beaucoup ſupérieure à celle d’un homme plongé dans le libertinage : elle eſt plus naïve, plus aiſée, mieux ſuivie, — mieux aſſortie à l’homme, en qualité d’homme poli, d’homme ſage, & d’homme de bien. Les gens vicieux