Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 3.djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il méritât lui-même ce titre dans toute ſon étendue. Ils dégaînèrent ſur le champ ; mais étant ſéparés par leurs amis communs, ils ſe donnèrent rendez-vous pour ſe battre en duel : on en fut averti, & il ne leur fut pas poſſible, pendant long-tems, d’exécuter leur impertinent deſſein. Enfin ayant trompé la vigilance des ſurveillans, ils ſe battirent de nouveau, & ils furent bleſſés tous deux ; l’un en mourut, & l’autre fut obligé de s’enfuir de ſa patrie, ſans eſpoir d’y retourner jamais. Le premier, avant que de mourir, avoua naturellement qu’il étoit fou ; ce qui diminuoit en quelque ſorte ſa folie : mais il diſoit qu’il ne lui avoit pas été poſſible de ſupporter d’être traité de fou, par un homme qui étoit infiniment plus fou que lui. Pour l’autre, il avoit une grande opinion de ſa propre capacité, & un profond mépris pour la ſottiſe de son ennemi ; vanité qui l’abaiſſoit réellement au deſſous du caractère de l’autre champion. C’eſt la ſeule choſe qui m’empêche de dire qu’ils ſe querellèrent abſolument pour rien, le ſujet de leur querelle étant une diſpute ſur la ſupériorité du mérite.

J’aurois ici un vaſte champ pour m’étendre ſur la folie, ranger les fous en différentes claſſes, & dépeindre la beauté variée que toutes ces nuances de déréglement d’eſprit doivent répandre dans leur commerce & dans leur converſation. Outre