Aller au contenu

Page:Antée, revue mensuelle de littérature, 1905-06.pdf/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 129 —

risquait son diplôme ; l’autre, gaîment, insouciamment, étant d’ailleurs riche et comblée et ne poursuivant ses études que par inclination et pour échapper aux corvées mondaines. Cette petite fille intelligente détestait le flirt et les bals et se déclarait anarchiste ; cela plaisait à Charlotte ; une sympathie rivale reliait les deux jeunes filles, les faisait se sourire doucement, d’un air gai, sans presque tourner la tête, d’un bout à l’autre de la classe.

Elles se firent comprendre par signes qu’elles se retrouveraient à la sortie du cours. Charlotte montra de loin le livre à sa compagne, qui fit un geste d’enthousiasme. Les petites du jardin d’enfants comptaient en chœur, à l’étage inférieur… On entendait la voix de Madame Geerts qui donnait une leçon de physique en année commune. Quatre heures sonnèrent.

Dès que l’institutrice eut quitté la salle, Ninie se précipita vers Charlotte, qui enveloppait des livres et des cahiers dans une toile cirée noire ; elle lui saisit le bras avec exaltation.

« Oh ma chère ! J’ai une masse de choses à te dire !… Figure-toi, je l’ai vu hier !

— Élisée Reclus ?

— Oui. Dépêche-toi, nous retournerons ensemble ; je te raconterai ce qu’il m’a dit.

— Non. C’est dommage. Je ne peux pas ren-