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Page:Antée, revue mensuelle de littérature, 1905-06.pdf/144

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l’odeur du froid pénétrait dans la chambre, se mêlait au parfum qu’avaient laissé dans l’air le chapeau de Madame Abel, sa grande mante ourlée de castor et fourrée de violette.

Cette odeur, le souvenir de cette élégance, agitaient Charlotte. Elle se sentait un cœur suspendu, plein de joie. La vie lui parut délicieuse, l’idée de l’examen supportable : Après tout, cela se passerait bien… elle en avait la conviction. Il y avait bien la Botanique… mais bah ! elle en viendrait à bout. Elle avait encore devant elle quatre mois ; en quatre mois, on fait de la besogne. Elle réfléchit qu’elle connaissait à peu près tout le cours d’histoire, une partie du cours de géographie. L’idée des deux leçons types qu’il fallait donner aux bancs vides, devant le jury morne, la tourmentait depuis longtemps, car elle était timide et craignait exagérément le ridicule… Mais elle les préparerait si bien ! Il suffirait d’avoir un peu d’aplomb ; ensuite, elle tiendrait le diplôme et, avec le diplôme, l’indépendance. Elle ne serait plus à charge à personne, au contraire : elle aiderait mère, elle gagnerait sa vie.

Gagner sa vie ! C’était la dignité humaine. Madeleine gagnait sa vie.

La pensée, tout de suite, évoquait la silhouette menue de l’amie, trottant par les rues de neige,