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Page:Antée, revue mensuelle de littérature, 1905-06.pdf/151

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souffle, pas un passant. Seule, la silhouette d’un agent de ville qui faisait les cent pas, le visage enfoncé dans son capuchon. L’eau noire et immobile reflétait des astres rigides, des maisons démesurément allongées, des fenêtres éclairées de lueurs que l’eau déformait en éclairs. Le ciel violet, plein de glace et de neige, semblait descendre peu à peu.

Elles s’assirent sur un banc.

« Le beau soir ! » dit Charlotte.

Elle sentit que la petite tête de Madeleine tombait sur son épaule. Et, simultanément, une joie ronde et légère lui tomba dans le cœur. Elle caressa des lèvres la petite toque frisée.

« Ma chérie… ma chérie…

— Ma chérie, dit faiblement Madeleine.

— J’ai… j’ai bien pensé à toi toute la journée. Je t’attendais si impatiemment ! J’ai pensé tant de choses de toi, tant de choses…

— Quoi… Qu’as-tu pensé ?

— Je ne sais pas expliquer… Tu es si bonne… si jolie… je t’aime tant ! Car je t’aime, ma Madeleine. Donne voir tes yeux, tes beaux yeux adorés ? Qu’ils sont grands !

— C’est vrai que tu m’aimes ?

— Oui, oui, c’est vrai.

— Répète encore ; répète ?…

— Je t’aime… je t’aime. »