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Page:Anthologie contemporaine, Première série, 1887.djvu/36

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Maintenant, une puanteur d’égoût, une odeur de graillon rance et de charnier encombraient la respiration, s’échappant des cabinets mal fermés, des plombs ouverts, de certaines portes, de la poussière huileuse et humide répandue. Tout cela, chassé par l’air glacial de l’impasse, avait escaladé l’escalier, s’était donné rendez-vous au sixième étage de la misérable maison. Une tiédeur moite faisait suinter les murs au-dessus des lambris ravagés. Un des croque-morts ne put s’empêcher de proclamer :

— Cré nom, ça schlingue ferme.

— Oui, répondit simplement la concierge.

Et, toujours à la tête de son escorte, elle enfila une courte allée au bout de laquelle on fit halte devant une porte basse, percée d’un point lumineux par le trou de la serrure. La porte ouverte à l’aide de la clef ramassée sous le paillasson, une clarté jaunâtre se jeta dans le couloir, inondant de sa pâleur soudaine la concierge indifférente et l’impassibilité de l’homme qui la suivait directement.

On entra. Les croque-morts ne se découvrirent point.

La petite mansarde était toute grise sous le vasistas entr’ouvert et chargé d’une épaisse couche de neige. Le lit en fer où reposait Francine paraissait maigre : elle, longuement plate, enveloppée jusqu’au cou dans la blancheur douteuse d’un drap quelconque, ses piètres cheveux blonds, rares aux tempes, dispersés dans les creux du traversin, le front buriné de rides légères, la bouche déjà vieillie par vingt-quatre heures de rigidité, semblait une statue de cire abîmée grâce aux cahots de mille voitures foraines, détériorée par d’innombrables exhibitions. Entre ses paupières qu’une liqueur séreuse mouillait, on apercevait un coin de ses regards qui avaient été bleus. Aucune croix ne lui barrait la poitrine ; on ne voyait à son côté ni eau bénite, ni chandelle allumée, mais en compensation, sur la cheminée, dans un de ces vases couleur d’absinthe si communs aux étalages