Page:Anthologie contemporaine, Première série, 1887.djvu/52

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viaduc du chemin de fer, on s’engage dans une dernière gorge, que surplombent cette fois, de chaque côté, des hêtres feuillus, d’une taille respectable. Cette entrée ombragée et verdoyante apporte un correctif désiré au Sahara traversé jusque-là. Un peu auparavant, la tour originale, blanche, avec son cône brisé aux étages par quatre galeries ouvrées qui lui donnent un air de faîte de pagode, unique parmi les types de notre architecture religieuse, émerge au-dessus des côteaux masquant le village.

Dès l’entrée dans Dieghem, on se butte à la foire. Sur la chaussée, s’entassent les baraques blanches de fritures ; les magasins de jouets et de pains d’épices ; les brouettes-établis des marchandes de plies dites schols ; les tourniquets, les « rigolades », les tirs à la carabine Flobert — depuis les établissements aristocratiques tapissés comme un salon de dentiste, chamarrés comme une fierté, où l’on dégote des pipes de terre, jusqu’à la carabine unique avec laquelle on éteint la chandelle de suif piquée dans une guérite, — puis les loges cabalistiques où un épouvantail, un « remède à tout amour » vous montre « la jeune fille qui vous aimera » ; les salons de grosses femmes qui se présentent, à l’intérieur, comme étant la « jeune personne âgée de seize ans annoncée à la porte » ; et encore les tréteaux du charlatan, la voiture du dentiste, le cirque des chiens savants, le théâtre des « Spectacles de Saint-Pétersbourg », où expire trois fois par jour dans les feux de bengale, le