Page:Anthologie contemporaine, Première série, 1887.djvu/55

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monnent, les cloches, les crécelles, les tambours tempêtent à la fois. C’est le moment du coup de feu pour la vente ; maintenant et plus tard encore, à la sortie de la messe.

Les murs du cimetière sont noirs de dos de pèlerins, assis en rangs serrés, se reposant des fatigues d’une longue traite pédestre. Le champ de repos a l’aspect d’un campement, d’un bivouac. Les morts sont oubliés. On s’étend, on mange même sur les tertres des tombes gazonnées. Pendant ce temps, une procession interminable fait le tour de l’église au dehors, marmottant des prières, égrenant des chapelets, s’avançant impassible en traçant comme un long sillage dans la cohue des curieux. Ils n’écoutent pas le tumulte qui monte de la mêlée turbulente ; ils sont sourds aux chansons et aux propos des falots ; c’est à peine si leurs yeux regardent ces impies qu’ils coudoient et s’ils répondent par un froncement de sourcil aux gravelures des sceptiques.

Le monde n’existe plus pour eux. Ils ne songent qu’à remplir scrupuleusement le vœu d’où dépend la guérison d’un être aimé ; la vie de l’enfant qu’ils continuent à serrer contre leur poitrine ou à traîner par la main, comme tout à l’heure sur la route. Ils s’agenouillent devant les diverses stations de piété, les calvaires, figurés de distance en distance, et s’absorbent dans leurs génuflexions, rigides, agitant seulement les lèvres et les doigts, au risque d’être piétines et écrasés par la fourmilière humaine toujours plus compacte.