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comment on enterre une jeune fille suivant les coutumes anciennes, parce que maintenant elles passent de mode.

Après qu’il eut accueilli tout le monde, Naoum se mit à faire les révérences et dit : « Braves gens, aimables voisins ! Messieurs les anciens, femmes honorables, honnêtes jeunes gens et vous, jeunes filles ! Veuillez être assez bons de m’écouter, moi malheureux père. » (Les sanglots lui coupent la voix.)

« Dieu — dont la volonté soit faite — ne m’a pas donné de marier ma fille, de vous distribuer, à vous, mes amis, le pain et le sel et de nous réjouir ensemble, mais il lui a plu que, pour mon malheur, je dusse lui donner ma fille unique, pure et innocente comme une colombe blanche. Je vous ai assemblés pour que nous ensevelissions aujourd’hui son corps de vierge, ainsi que la loi l’ordonne et qu’il convient à sa réputation. Veuillez lui faire cortège, accompagnez sa virginité vers la vie éternelle, non pas à une nouvelle demeure, à un mari bien aimé, mais à la terre humide, à la tombe obscure. Consolez par votre assistance un vieillard, un père affligé, afin que ses entrailles… » Il voulut s’incliner, mais tomba à terre, pleurant amèrement et tout le monde avec lui.

Quand il se fut relevé et que les sanglots le lui permirent, il dit : « Où est la vieille mère ? Qu’elle distribue les cadeaux aux témoins et qu’elle arrange le cortège. » On appela Anastasie et pour la remplacer on mit une autre femme pour pleurer auprès de la défunte et prononcer les paroles consacrées quand il le faudrait.

Anastasie ne sortit pas seule, mais on la conduisit au cortège, car elle était complètement épuisée. Derrière elle des jeunes gens portaient un coffre plein de présents, qu’ils ouvrirent. En même temps, Anastasie fit rassembler les jeunes filles autour d’elle et leur dit : « Mon cœur ne s’est pas réjoui de voir ma chère Maroussia aller par les rues et choisir en riant parmi vous ses demoiselles d’honneur, mais le Seigneur a voulu que dans ma vieillesse j’eusse à vous demander, en versant des larmes amères, d’accompagner ma fille vierge jusqu’à la tombe noire. Il ne m’a pas été donné d’entendre les chansons de noces que vous auriez chantées à ma Maroussia, mais, au lieu de cela, je dois voir les larmes que vous verserez avec moi en lui chantant l’hymne du repos éternel. Ne m’en veuillez pas qu’au lieu du pain d’épice des noces et du gâteau nuptial, une mère malheureuse et affligée ait à vous donner les cierges de cire. Allumez-les,

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