Page:Anthologie de la littérature ukrainienne jusqu'au milieu du XIXe siècle.djvu/110

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faites cortège à ma Maroussia et sachez bien que de la même façon que vos cierges brûleront, mon cœur brûlera aussi sous sa grande affliction, en enterrant ma fille unique, ma seule consolation… Je reste seule dans ma vieillesse, comme une plante dans les champs, à répandre des larmes. « Alors elle leur distribua de petites chandelles d’une grivnia[1], toutes de cire verte.

Ensuite elle prit de longs et larges essuie-mains[2], brodés à ravir, et celui qu’on devait mettre sous les pieds des fiancés pendant la cérémonie du mariage elle l’attacha à la sainte croix, à la grande que l’on porte en tête des processions.

D’abord on ceignit le premier et le second garçons d’honneur, en guise d’écharpes, d’essuie-mains très longs, brodés d’aigles de couleur et de fleurs et l’on attacha encore sur la croix des bandes de toile blanches, longues d’environ quatre archines[3], toutes ornementées de passementeries. On ceignit de la même façon les dames d’honneur et on piqua des fleurs dans leur coiffe. Les hommes chargés de demander la main de la jeune fille ne reçurent qu’un essuie-main, mais très beau. On prépara l’épée qu’une jeune fille devait porter comme il est d’usage dans les noces : on fit les bouquets de mélampyre, de buplère, de basilic et de viorne aux branches entourées de feuilles d’or[4]. On alluma les chandelles de cire vierge, on enveloppa l’épée et décora celle qui la portait de magnifiques essuie-mains brodés. Aux hommes qui prenaient part au cortège, on leur cousit des fleurs de soie à la toque de fourrure et on leur attacha à droite des mouchoirs de coton rouges, tous semblables et valant chacun trois kopas[5]. Le foulard également de coton, avec lequel on joint les mains des époux pendant la cérémonie

  1. Monnaie ukrainienne, valant quelques centimes.
  2. Il s’agit ici de ces essuie-mains que les jeunes filles ukrainiennes brodent en grande quantité pour leur trousseau. Ils servent moins à l’usage qu’à l’ornement : on les pend sur les murs, autour des icônes, ou bien ils recouvrent les meubles, à la manière de nos dessus de cheminée, dessus de piano, chemins de table, etc. Comme on le voit ils jouent un grand rôle dans les cérémonies, surtout dans les noces.
  3. Un archine — 0,71 m.
  4. Ce sont des fleurs auxquelles l’imagination populaire ukrainienne a attaché quelques symboles : le mélampyre, par exemple, appelé peu poétiquement en français : blé de vaches, a reçu en Ukraine un nom que l’on pourrait traduire par mignonette ; les fruits rouges de la viorne rappellent la fraîcheur des joues d’une jeune fille, à peu près comme l’on dit en France : elle est rouge comme une cerise.
  5. Une kopa — environ 50 cent.
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