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du mariage, servit à entourer la croix d’argent que le pope porte dans ses mains, et aussi autour des cierges de tous les autres popes et diacres on mit des mouchoirs de coton bleu et chacun des chantres reçut également son foulard. Un grand et beau voile fut placé sur le couvercle du cercueil, de même qu’on étendit sur le brancard, sous le cercueil, un lourd tapis ornementé, portant en son milieu un grand aigle ; tout cela devait revenir à l’église de Dieu pour le repos de l’âme de la défunte.

Puis Anastasie se mit à distribuer tout ce qu’il y avait de bon dans le coffre : aux enfants de Dieu, aux orphelines, qui n’ont ni père ni mère et ne savent d’où puiser, elle donna des affaires de jeune fille, des mouchoirs, des tabliers, des chemisettes, des voiles, un objet quelconque ; aux jeunes femmes et aux veuves sans fortune ce dont se servent les femmes : des broderies, des coiffes blanches, des foulards de tête, que sa fille s’était confectionnés pour elle-même. Malgré la grandeur du coffre qui était tout plein, il n’y resta rien ; elle distribua tout et le coffre lui-même fut donné par elle à l’église de Dieu ; elle sacrifia tous les coussins et draps de lit pour que Maroussia jouisse du paradis et pour le salut de son âme propre et de celle de Naoum. Ensuite elle dit, en se signant : « Gloire te soit rendue, Seigneur, que j’aie eu quelque chose à donner pour le repos de l’âme de ma chère Maroussia et que j’aie pu le distribuer à de braves gens. À quoi sa dot me serait-elle bonne, quand je l’ai perdue… » Les pleurs l’empêchèrent de continuer, puis elle dit : « Où est notre fiancé ? »

On le lui conduisit. Elle l’étreignit fortement, l’embrassa, pleura et lui dit : « Mon cher gendre, mon fils bien aimé, tu es tout ce qui me reste. Voici ton foulard de fiançailles. Quand tu n’étais pas là Maroussia le portait sur son cœur et en mourant elle a ordonné que je te le couse pour son enterrement… N’oublie jamais ma Maroussia, comme elle t’a été fidèle et t’a aimé jusqu’à la mort… Ne nous oublie pas, nous, tes père et mère, dans notre vieillesse… Ne nous abandonne pas… viens nous voir quand nous serons malades. Nous n’avons plus personne pour nous fermer les yeux et prier pour nous… »

Basile, aussi pâle que la mort même, les cheveux en désordre, les yeux comme ceux d’un cadavre, regarde et ne voit rien, ses mains sont crispées, il tremble comme une feuille. Il ne sent pas qu’on lui attache son mouchoir à la ceinture. Après bien des efforts, il dit à Anastasie : « Maman chérie… » Il ne peut en

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