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peut-il marcher, il va sans savoir ce qu’il fait, il ne prête aucune attention à ce qu’on lui dit, il agit et marche sans que ses yeux se détachent jamais de Maroussia… Et elle, mon trésor, est couchée là, ma colombe, entièrement recouverte de ce voile qui devait la couvrir pendant ses noces, son visage seul est découvert. Il semble que, toute couchée qu’elle est, elle regarde d’en haut autour d’elle ; comme elle est morte en beauté, le sourire est resté sur son visage, elle sourit au ciel et semble se réjouir de ce qu’on lui fait de si belles funérailles.

Basile peut-être n’aurait plus été à même d’avancer, si on ne l’eût aidé, mais deux marieurs, ornés d’essuie-mains, le prirent sous les bras et l’entraînèrent.

Derrière le cercueil, Naoum et Anastasie, versant des torrents de larmes, marchaient ou plutôt étaient conduits par les voisins et les amis. Et les cloches ? Dieu du ciel ! elles ne s’arrêtent pas et toutes sonnent. Et du monde, du monde derrière et autour du cercueil, dans les rues, devant les portes et les haies de sorte qu’il n’y a pas moyen de dire combien il y en avait.

Dans le trajet jusqu’à l’église, on s’arrêta douze fois pour lire les Évangiles et à chaque fois on plaçait le livre sur un autre mouchoir de coton. Chaque pope qui les lisait en recevait un.

Après que le service divin et les cérémonies funèbres eurent été terminés à l’église, on porta le corps de la même façon au cimetière. Quand on fut sur le point de descendre le cercueil dans la fosse, on donna de la part d’Anastasie douze archines de toile à essuie-mains non coupée et là dessus on déposa la bière. Et voilà ! Tous les gens se mirent à pleurer, Naoum se jeta à genoux, leva les bras au ciel et fit cette prière : « Dieu de justice, Ta volonté m’a rendu orphelin, moi, vieillard sans forces. Je rends le corps de ma fille chérie à notre mère la terre, prends son âme dans Ton Royaume… et ne m’abandonne pas pauvre pécheur. »

On commença à dire le Notre père ; pendant ce temps on descendit le cercueil et les popes scellèrent la tombe. Alors Naoum se releva, prit une poignée de terre, en tremblant et pleurant et la jeta en disant : « Accorde-nous, Seigneur, d’habiter un jour avec elle dans le royaume de Dieu. Adieu, Maroussia, pour la dernière fois. Que la terre te soit légère. » Anastasie fit de même. Quand c’est le tour de Basile de jeter la terre, il en prend une poignée, sanglote, se met à trembler, ses doigts

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