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se crispent, il ne peut ouvrir la main pour jeter la terre dans la tombe, il tremble de plus en plus et tombe sans connaissance.

Ensuite tous les gens jetèrent chacun une poignée de terre dans la fosse afin de se retrouver un jour avec la défunte dans les cieux. Enfin les hommes de la noce remplirent avec des pelles la fosse jusqu’aux bords, et élevèrent au-dessus un tertre à la tête duquel on planta une croix haute et lourde, peinte de couleur verte.

C’est tout le souvenir qu’il reste de Maroussia.

Eugène Hrebinka :

Quelques mots aux compatriotes.

Tiré de l’avant-propos de la « Lastivka » (« L’hirondelle »), 1841. Almanach composé de matériaux que Hrebinka avait amassés pour une revue projetée vers 1838.

À mon avis, il n’existe pas au monde de pays plus beau que la province de Poltava. Dieu de bontés, quel pays ! Y en a-t-il là des steppes et des forêts, des jardins et des bocages, et des brochets et des carpes, des cerises et des bigarreaux, des boissons de toutes sortes, des taureaux, de bons chevaux et de bonnes gens — il y a de tout et tout y est en abondance. Et que de jeunes filles ! Que de jeunes femmes ! Feu Kotlarevsky n’a eu qu’à en peindre une seule dans sa « Natalka de Poltava » et le monde entier s’est pâmé d’aise.

Je vous le dis : jamais je n’oublierai le temps que je passai dans la province de Poltava, près de Pyriatyne. Peut-être vous est-il arrivé de passer par hasard à Pyriatyne ? La ville n’est pas du tout mal : on y trouve des marchands de toutes sortes et des pâtissières. Il y a aussi une église très comme il faut, avec un clocher. On y voit un bureau de poste et les facteurs vont et viennent comme des soldats, avec leurs gorgerettes noires, distribuant les lettres bien honnêtement, sans les décacheter. Une bonne ville !

J’habitais non loin de là à la campagne. Chaque jour quelque chose y venait réjouir mon cœur. Plus d’une fois il me tardait — Dieu sait comment ! — de voir arriver le printemps. Enfin, la Chandeleur passée, voilà le vent tiède qui commence à souffler, juste du côté de la Sitche zaporogue. Le beau soleil, assez haut sur l’horizon, chauffe déjà suffisamment et les pauvres bœufs, debout près de la clôture, se réchauffent gentiment

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