Page:Anthologie de la littérature ukrainienne jusqu'au milieu du XIXe siècle.djvu/143

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Pour vous la force et la liberté,
Pour vous la sainte vérité !

» Ton tchourek et ta saklia[1] — ils sont à toi :
On ne te les a pas demandés, on ne te les a pas donnés,
Personne ne te les prendra,
On ne te mettra pas les menottes.
Chez nous — car nous sommes lettrés —
On lit l’Écriture sainte.
Et du fond des prisons
Jusqu’au trône élevé.
Nous vivons tous dans l’or et nus.

» Mets-toi à notre école ! Nous t’éduquerons,
Nous ne sommes pas des païens, Dieu nous en garde !
Nous sommes des chrétiens véritables. Chez nous il y a des églises, des icônes,
Tout ce qu’il y a de bon, voire Dieu lui-même !
Seulement ta saklia nous est une épine dans l’œil :
Pourquoi existe-t-elle chez vous
Sans que nous vous l’ayons donnée ? Pourquoi ne vous avons-nous pas
Donné votre pain sans levain
Comme on le jette à des chiens ? Et Pourquoi
Ne nous devez-vous rien pour jouir du soleil ?
C’est la seule chose qui nous sépare.

» Nous sommes satisfaits de peu ! — Et à ce prix
Si vous vouliez fraterniser avec nous,
Nous vous enseignerions des tas de choses.
Chez nous il y a du terrain à ne savoir qu’en faire :
La Sibérie, elle seule, est incommensurable !
Et des prisons et des gens ! On aurait peine à les compter !
Depuis la Moldavie jusqu’à la Finlande
Dans toutes les langues tout se tait —
Car on vit dans la béatitude !
Chez nous
De saints prêtres lisent la sainte bible
Et nous apprennent
Que je ne sais plus quel tzar gardait les cochons,
Qu’il s’empara de la femme d’un autre,

  1. C’est le nom du pain et de la hutte caucasienne. S’adressant à l’habitant du Caucase, l’auteur se sert de ces mots pour conserver la couleur locale.
115