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nation de princes de toute la Russie Mineure (totius Russiæ Minoris), très rarement, d’ailleurs, car cette distinction conserva au demeurant son caractère ecclésiastique.

Le terme de « Petite-Russie » ne fut ressuscité, comme nous l’avons dit dans notre préface, qu’à l’époque de Chmelnytsky, où il prit un sens politique et, en quelque sorte, ethnique. L’empruntant à la tradition ecclésiastique, le célèbre hetman renouvela cette appellation pour tous les pays, mêmes les blancs-russiens, qu’il projetait de réunir à son pouvoir sous l’égide de Moscou. Mais le gouvernement moscovite avait des desseins diamétralement opposés : il espérait, avec l’aide de Chmelnytsky, de se rattacher directement tous les pays de l’ancien royaume de Kiev qui restaient encore sous la domination lithuano-polonaise et de ne laisser à l’hetman que les territoires qui se trouvaient en sa puissance au moment de l’union de 1654. À Moscou on ne donna donc le nom de « Petite-Russie » qu’aux terres de l’hetmanat et l’on se garda bien de l’appliquer à d’autres contrées que l’on tenait à s’incorporer tout simplement : la Volhynie, que l’on voulait acquérir, ne faisait pas partie de la Petite-Russie et, lorsque, dans l’été de 1654, les troupes du tzar occupèrent les contrées de Smolensk et de Mohilev, on leur donna le nom de « Russie Blanche » qu’elles ont gardé jusqu’à nos jours.

Auparavant, ce terme de « Russie Blanche », Alba Russia, avait un sens très vague. On suppose qu’il fut créé pour désigner la « Russie libre », c’est-à-dire, les pays russes qui n’étaient pas tombés sous le joug de la horde tartare. Mais on s’en servit dans bien d’autres cas. Ainsi dans les milieux moscovites, avant 1654, on appelait blanche-russienne la population civile de l’Ukraine par opposition à la population militaire ou cosaque, que l’on appelait toujours « les Tcherkasses », probablement en souvenir de Tcherkassy sur le Dnieper, l’ancien centre des cosaques ukrainiens, tandis que les Moscovites réservaient la dénomination de cosaques à ceux du Don qui leur appartenaient. Au dix-septième siècle tout ce qui était ukrainien : langue, littérature, population, était donc pour les gens de Moscou — blanc-russe. Et il faut bien remarquer qu’ils considéraient nos compatriotes d’alors comme une race différente ayant ses mœurs et sa civilisation propre. Ce n’est qu’au xviiie siècle que le gouvernement russe s’efforce par tout les moyens de faire disparaître ces distinctions, d’unifier la population de l’Ukraine avec celle de l’empire et de poursuivre à outrance chez les Ukrainiens

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