Page:Anthologie de la littérature ukrainienne jusqu'au milieu du XIXe siècle.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

auquel les condamnait l’égoïsme administratif. Les vieilles écoles de langue nationale étaient supprimées, les nouvelles écoles russes étaient inutiles aux allogènes. Il n’existait aucune littérature instructive qui pût servir aux masses, par suite de la proscription de la langue maternelle. Certes, la littérature poétique, telle qu’elle vivait dans le peuple, constituait un facteur moral inestimable pour l’éducation, mais sa richesse même et la profondeur de ses émotions soulignaient encore davantage le manque de connaissances réelles. La création d’une littérature en langue vulgaire devenait indispensable pour relever le niveau intellectuel général par l’éducation nationale. C’est ainsi que les efforts humanitaires des meilleurs citoyens, les traditions politiques de l’Hetmanat et le romantisme national, renforcés des idées congénères venus d’occident, se trouvèrent converger vers le même but. La fondation de la première université sur le territoire ukrainien, à Charkov, devint pour toutes ces tendances le foyer souhaité qui avait manqué jusque-là.

La vieille alma mater ukrainienne, l’académie de Kiev, ne faisait depuis longtemps que végéter. Le désir des Ukrainiens de la changer en université et de fonder, en outre, une autre de ces institutions plus à l’est, s’était toujours heurté au refus de l’administration russe, qui cherchait à attirer les jeunes intelligences vers les seuls centres scientifiques de Pétersbourg et de Moscou. L’autorisation donnée à la noblesse de l’Ukraine Slobidska d’organiser à ses frais une université à Charkov, constitua une remarquable exception à cette politique d’anéantissement intellectuel de l’Ukraine. Cette fondation signifiait, d’ailleurs, un relâchement de la censure, car, d’après les lois alors en vigueur, l’université était le centre de toutes les institutions culturelles de son ressort et il appartenait à son corps enseignant d’y exercer la censure. Avec cela, quoique la nouvelle université fût russe, elle ne tarda pas à réunir les forces intellectuelles de l’Ukraine, elle devint le premier centre de la nouvelle renaissance, qui, dans les circonstances que nous avons relatées, avait commencé à se dessiner dans la première moitié du xixe siècle.

Comme on le voit, elle prit son premier essor en Ukraine orientale, bien loin de toute influence étrangère et de toute excitation politique, comme on a si souvent essayé de le représenter. La première pierre en fut posée, sans le vouloir, par la

XV