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politique du gouvernement russe lui-même. Les influences occidentales qui agirent sur le développement de la littérature ukrainienne ne lui arrivèrent aussi que par l’intermédiaire des écoles russes et de la littérature russe. Les premiers écrivains se recrutèrent parmi les moyens propriétaires, les employés subalternes, les professeurs, les instituteurs, le clergé, tous gens bien éloignés de n’importe quelles idées « révolutionnaires ». Ce fut un produit de la vie ukrainienne, l’expression de ses besoins.

L’Ukraine Occidentale, appartenant alors à l’Autriche, et qui n’avait eu à souffrir ni des ukases de Pierre Ier, ni des luttes avec la langue russe officielle, n’entra que plus tard dans le mouvement. Les traditions de la première renaissance, dont Léopol avait été le centre, avaient jeté là des racines plus profondes : le désir de suivre la nouvelle littérature de l’Ukraine Orientale et d’adopter la devise du démocratisme, rencontra la désapprobation du haut clergé qui jouait un rôle prépondérant dans la vie locale. L’administration autrichienne regarda ces tendances « pan-ukrainiennes » avec les mêmes yeux que le clergé uniate : c’était une apparition peu désirable et dans ses conséquences même dangereuse. La lutte entre les idées nouvelles et les anciennes se tira en longueur. Ce ne fut que dans la seconde moitié du xixe siècle que la Galicie et la Bukowine se joignirent au mouvement déjà ancien en Ukraine Orientale. Et pour l’Ukraine transcarpathique on ne peut en dire autant, même aujourd’hui.

Tout cela bien considéré, on voit qu’une histoire de la littérature ukrainienne, et, par conséquent, une anthologie qui veut donner une idée de son évolution, ne peut se borner à la littérature moderne qui s’est développée organiquement, quoique sous de nouvelles influences, de la « littérature petite-russienne » du xviiie siècle. On ne peut pas non plus prendre comme point de départ l’époque cosaque, car elle se fondait sur les idées et le matériel littéraire de la première renaissance, dont elle refondit lentement le contenu sous de nouvelles formes. Et cette première renaissance, en dépit d’éléments nouveaux, n’était, en somme, qu’une résurrection des anciennes traditions de Kiev et de Galicie, après le dépérissement de l’église orthodoxe, qui était considérée comme l’égide de la vie et la civilisation nationale. Elle vécut des souvenirs de la gloire des anciens princes, de Vladimir le Saint, du sage Iaroslav, de Roman

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