Page:Anthologie de la littérature ukrainienne jusqu'au milieu du XIXe siècle.djvu/46

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frant. Vous distillez des eaux-de-vie fortes, vous brassez de l’excellente bière triple, que vous versez dans le gouffre insatiable de vos ventres. Vous-mêmes, vous faites des excès de mangeaille avec vos invités, tandis que les orphelins de l’église ont soif et ont faim et que vos pauvres serfs n’arrivent pas à pouvoir payer leur redevance annuelle : leurs propres enfants leur sont à gêne, ils se refusent le nécessaire, craignant de ne pas avoir assez de pain pour arriver à la prochaine récolte !

Quel est celui d’entre vous qui a reçu les pèlerins, dans sa maison, les a fait reposer, a pourvu à leurs besoins et, comme Abraham, leur a lavé les pieds ? N’est-ce pas Vos Grâces, qui, dans votre état soi-disant ecclésiastique, insultez les pèlerins[1], vous moquez d’eux, en médisez, les haïssez, les calomniez, en faites votre risée ? N’est-ce pas de ces lèvres, qui contractent cette puante union des églises, que sont sortis des blasphèmes comme celui-ci : « Et que sont donc les patriarches et les évêques grecs ? Des mendiants, des va-nu-pieds, des imposteurs. » Là voilà bien votre sage hospitalité !

Quand avez-vous vêtu ceux qui étaient nus ? N’est-ce pas Vos Grâces qui enlevez les chevaux, les bœufs, les moutons des étables, qui extorquez des redevances sonnantes de vos pauvres serfs, qui leur arrachez une partie des produits de leur sueur et de leur travail, qui les écorchez vifs, les volez, les tourmentez, les maltraitez et les poussez sur les barques et transports, hiver comme été, par tous les temps ? Et vous-mêmes, vous restez assis à la même place comme des idoles et s’il vous arrive de vouloir transporter d’un endroit dans un autre votre corps divinisé, ce n’est que dans une litière, aussi moelleusement assis que dans votre chambre. Et les pauvres serfs peinent et se rouent pour vous, jour et nuit, vous leur volez leur sang, leurs forces et leur travail, vous dépouillez leurs étables et leurs garde-mangers, afin que la valetaille qui vous entoure soit habillée de drap hollandais ou flamand, et que leur aspect bien nourri flatte l’œil, tandis que les pauvres serfs n’ont pas un simple sarrau de bonne qualité pour couvrir leur nudité !

Grâce à leur sueur, vos sacs s’emplissent de pièces d’or et d’argent de toutes sortes et vous thésaurisez, vous cherchez

  1. Il s’agit ici des hiérarques grecs, qui visitaient alors le pays et qui, par leurs ordonnances, mécontentèrent les évêques orthodoxes, les décidant ainsi à se jeter dans le parti de l’union.
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