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sont des idiomes aussi différents que le grand-russe l’est du serbe et du polonais, ils ont commis une grave erreur : tous les traits par où se classent les dialectes slaves attestent l’unité initiale du grand-russe, du petit-russe et du blanc-russe. La représentation par oro, olo de l’ancien or, ol, qui est représenté par ra, la en slave méridional, par ro, lo en polonais, marque fortement cette unité ancienne des parlers russes.

L’événement décisif qui a travaillé contre l’unité russe a été la conquête lituanienne. La nation lituanienne, si étrangement archaïque, avait conservé jusqu’au xiiie et au xive siècles les usages, la religion, et même la mentalité indo-européennes. Elle a pu, profitant des difficultés de la Russie, étendre sa domination jusqu’au delà de Kiev et se soumettre des populations russes dont le nombre dépassait de beaucoup celui des Lituaniens.

Demeurés jusqu’en plein moyen-âge au stade de civilisation des vieux Indo-Européens, les Lituaniens étaient tout prêts à recevoir de leurs sujets la culture qui leur manquait. C’est de Russie que les Lituaniens ont reçu d’abord la civilisation, et le vocabulaire de civilisation du lituanien est, en grande partie, composé d’emprunts aux parlers russes voisins de la Lituanie, les parlers blancs-russes.

Mais l’union personnelle de la Pologne et de la Lituanie, depuis Iagellon, en 1386, et le baptême de Iagellon dans l’église occidentale mettaient sous l’influence de l’Occident tous les Russes que s’étaient soumis les Lituaniens. Dès lors les parlers ukrainiens ont eu leur développement propre, indépendant de celui des parlers grands-russes. Ne servant qu’à l’usage local et n’ayant au dehors aucun rayonnement, ils ont évolué relativement vite, si bien que, par rapport à l’état de choses ancien, ils offrent beaucoup d’innovations ; une notable partie des voyelles et des consonnes ont pris des prononciations nouvelles. L’espacement des relations entre les Russes d’occident et ceux d’orient a eu peur conséquence que les parlers des deux régions ont pris des aspects très différents sans aucune réaction d’un côté ni de l’autre. Les influences de civilisation ont été très différentes aussi : le grand-russe a subi, plus qu’aucune autre langue slave, l’action du slavon d’église auquel il a emprunté une large part de son vocabulaire abstrait ; le russe d’occident, au contraire, a pris au polonais beaucoup de mots, si bien que le ruthène et le polonais semblent souvent avoir un vocabulaire commun.


IV