Page:Anthologie de la littérature ukrainienne jusqu'au milieu du XIXe siècle.djvu/84

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
Le Zaporogue, à l’auditoire.

Hé, hé, messieurs, ce que j’ai été dans ma jeunesse !
J’en avais en moi de la force !
En rossant les Polonais ma main ne se fatiguait jamais —

Et maintenant il semble qu’un pou ou une puce soient plus forts que moi.

Les épaules et les bras me font mal, ma force est partie.
Ô les années, les années, quelle mauvaise affaire !
Quand je tape sur la gueule, ça ne sert plus à rien,
Ô ma petite bandoura en or,
Que n’ai-je avec toi une jeune cabaretière !
Je danserais avec elle tout mon soûl, à en crever de rire,
J’oublierais avec elle mon mal pour toujours.
Car, quand je joue, plus d’un se met à sauter
Et dans cette gaité quelquefois même on pleure !
Je suis cosaque, je bois la goutte, je ne dédaigne pas la pipe,
Les cabaretières sont pour moi, mais je n’ai pas de femme.
Et vous, messieurs, je vous félicite à l’occasion de la Noël.

(Entre la cabaretière Chveska.)
Le Zaporogue.

Eh ! bonne santé, cabaretière,
Bonne santé, fille de Poltava,
Voilà bien longtemps que je ne t’aie vue !

Chveska.
Nous nous sommes vus à Tchyhryne

Et depuis lors pas[1].

Le Zaporogue.

C’est ça, Chveska, c’est ça, ma belle, ma pigeonne !
Nous nous sommes vus à Tchyhryne et depuis lors pas.

En vieille connaissance fais moi un baiser sur mes moustaches en crocs.

Comme ça — mak !
Un baiser, rien qu’un, dans ma tignasse,
Comme ça — mak !
Encore un pour mon gourdin et un pour ma bandoura !
Parfait ! Et maintenant dansons !

(Le violon joue. Ils dansent. À la fin de la danse Chveska sort.)
Déjà, la voilà partie !
  1. Tchyhryne n’est là que pour la rime et l’expression pourrait se rendre à peu près par : Nous ne nous sommes pas vus depuis la semaine des quatre jeudis.
56