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conséquent, à une mort inévitable ; de même que, chez les animaux qui vivent dans la nuit éternelle des cavernes, les organes de la vision ont cédé leur importance, leur lieu et place, aux organes du toucher.

Chez les végétaux, les phénomènes de la théorie évolutive ne sont pas moins notables et ne méritent pas moins notre attention ; et, comme j’ai fait sur eux, pendant ces dix dernières années, des observations particulières à quelques espèces dont je me suis plus spécialement occupé, je vais vous exposer quelques traits, des plus caractéristiques de ces phénomènes, se rattachant, dans leur ensemble, à la flore brésilienne.

L’alimentation et le climat, qui exercent une si grande influence sur la nature de l’homme et des animaux et qui peuvent être considérés comme les bases principales de l’adaptation de chaque individu à l’existence qu’il est forcé d’accepter, sont également de haute importance pour les conditions biologiques des plantes.

Comparons pour cela les végétaux des épaisses forêts vierges à ceux qui vivent sur les sommets des montagnes. Les premiers, robustes, superbes, pleins de sève exubérante, exercent leurs multiples fonctions sans grands efforts, sans luttes pénibles pour l’existence, parce que, dans ce milieu humide et tiède, imprégné de parfums délicieux, et sur ce sol, fertilisé par les dépouilles de mille générations passées, leur existence peut se comparer à la vie heureuse et oisive des héritiers riches, ou des enfants chéris de la fortune, dont le vent froid des Pampas n’a jamais fouetté le visage, dont les pieds ne se sont jamais refroidis au contact mortel des frimas pendant les longues nuits d’insomnie d’hiver. Ce sont des végétaux dont les feuilles brillantes, épaisses, moelleuses, et bien nour-