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ries ressemblent à des tapis de velours vert, où viennent se reposer le grand papillon bleu des bois et le colibri volage aux ailes diaprées de saphirs et d’or.

L’extrême violence des vents du sud vient se heurter sur les branches extérieures de la lisière de la forêt, mais ne parvient jamais à pénétrer dans les retraites intimes de cette profondeur parfumée, ni même à faire courber le vigoureux et luxuriant feuillage de ces sybarites des bois.

Laissons-les à leur existence exempte de troubles, et poursuivons l’examen comparatif que nous avons en vue ; dans ce but, quittons les épaisses forêts ; transportons-nous au plus haut sommet des montagnes. Là aussi, le sol est couvert de végétaux. — De végétaux frères de ceux-là même dont tout-à-l’heure encore nous admirions la beauté et la splendide parure. Ce sont des Myrtacées, des Mélastomacées, des Synanthérées, des Rubiacées, et tant d’autres familles représentées dans le bois dont nous venons de sortir[1] ; mais quelle différence d’aspect, quelle difformité de branches, quelle épaisseur de couches subereuses, quelle rudesse, quelle apreté dans les feuilles ; quelle rareté de feuillage sur chaque branche, quelle rareté de branches sur chaque tronc !

Hélas ! Messieurs ! c’est que ces pauvres et misérables prolétaires sont les descendants de milliers de générations, comme eux prolétaires et comme eux condamnées à coloniser, de pères en fils, ces abruptes sommets des montagnes rocheuses. Rassurez-vous cependant sur le sort de ces héroïques montagnards ! ils ne succomberont ni au froid, ni à l’irradiation nocturne, tant à craindre sur les hauts sommets ; ils

  1. Note n. 1 — Voir à la fin de l’ouvrage