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forêts séculaires, c’est-à-dire : à mourir écrasés, dominés, comme les anciens serfs de la glèbe, réduits en esclavage, sous le domaine des seigneurs féodaux du moyen-âge. Beaucoup de ces pauvres êtres succombèrent étouffés sous l’épais feuillage de leurs puissants voisins ; quelques-uns d’entre eux, cependant, ont su résister, et ont laissé des descendants auxquels ils léguèrent leur valeur et leur force. Les générations se succédèrent rapides et se transmirent successivement, en progression croissante, leur énergie, leur force, et qui plus est, leur esprit de vengeance contre l’oppression des despotes.

Il n’y avait qu’un moyen cependant de surmonter ces difficultés, et ce moyen, introuvable à première vue, la nature s’est vivement empressée de le fournir : c’est la croissance en hauteur des tiges ; fallût-il pour cela sacrifier à cette croissance imparfaite le développement latéral du tronc.

Ce premier pas fait, l’œuvre se continue, par des générations successives, qui exagérant encore cette exubérance insolite, font tous leurs efforts pour remplir leur glorieuse mission et pour satisfaire cette haine de race héréditaire.

La croissance de ces végétaux devient alors une véritable merveille, les branches, tout d’abord de deux à trois mètres de long, deviennent comme des cordes de trente mètres et plus d’extension[1]. Le corps entier de chaque végétal a fourni et condensé à son maximum toute sa contribution organique, c’est-à-dire, fait le sacrifice complet de son existence propre au profit de cette singulière et rude croissance.

Mais quelque chose manquait encore pour achever cette étonnante, cette extraordinaire transfor-

  1. Note n. 2