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mation ; l’extension étrange des tiges de ces plantes n’atteignait pas encore leur but ; il fallait qu’elles pussent arriver aux plus hauts sommets de la forêt, qu’elles pussent, sous l’influence directe des rayons solaires, exercer leurs principales fonctions physiologiques, celles de la chlorophyllisation par exemple, dont chaque feuille est un laboratoire immense, complet.

Eh bien, Messieurs, ce desideratum qu’il paraissait impossible d’atteindre, qui pouvait passer pour une utopie, l’étonnante faculté d’adaptation des plantes sarmenteuses l’a obtenu ; c’est le suprême effort de la sélection naturelle, c’est aussi son plus beau triomphe. Pour atteindre ce but, quelques sarments se sont tournés en spirales, c’est-à-dire : mettant à profit la tendance générale des plantes au développement héliçoïdal, ils ont étreint comme des serpents d’airain ces mêmes troncs gigantesques — jadis les bourreaux de leurs ancêtres — et sont, de cette façon, parvenus à tout dominer ; d’autres, cependant, pour des causes que nous ne pouvons encore expliquer, n’ont jamais réussi à donner à leurs tiges la forme héliçoïdale.

Toutefois leurs tentatives ne restèrent pas infructueuses ; quelques-uns de leurs organes, feuilles, stipules, et, chez un grand nombre, les branches elles-mêmes, se transforment en vrilles, espèces de griffes comme vous avez pu observer dans la vigne ; et, à l’aide de ces nouveaux et curieux appendices, il leur est devenu facile d’atteindre la cime des arbres les plus élevés, en s’accrochant aux troncs séculaires de l’épaisse forêt[1]. C’est ainsi que, dans la vie des plantes, a été obtenue la victoire remportée par les com-

  1. Note n. 3.