Page:Apollinaire - L’Enfer de la Bibliothèque nationale.djvu/255

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« Aucun livre, d’ailleurs, n’est fait pour exciter une curiosité plus vive. En aucun, l’intérêt, ce ressort si difficile à mouvoir dans un ouvrage de cette nature, ne se soutient d’une manière plus attachante ; dans aucun les replis du cœur des libertins ne sont développés plus adroitement, ni les écarts de leur imagination tracés d’une manière plus forte ; dans aucun, enfin, n’est écrit ce qu’on va lire ici. Ne sommes-nous donc pas autorisés à croire que, sous ce rapport, il est fait pour passer à la postérité la plus reculée ? La vertu même dût-elle en frémir un instant, peut-être faudroit-il oublier ses larmes, par l’orgueil de posséder en France une aussi piquante production.

« N. B. — Les aventures de Justine que nous publions en ce moment contiennent quatre volumes, ornés d’un frontispice et de quarante gravures. L’histoire de Juliette, qui y fait suite et qui s’y lie, en contient six, ornés de soixante gravures, ce qui forme une collection, unique en ce genre, de dix volumes et de cent estampes toutes plus piquantes les unes que les autres.

« La mise au jour de cette suite, dont la partie typographique est traitée avec le même soin que celle-ci, n’est retardée que par la confection des gravures, dont nous avons voulu que l’exécution répondît à celles renfermées dans les quatre premiers volumes. Aussitôt qu’elles seront terminées, nous satisferons la curiosité de nos lecteurs. »


Cet Avis, où l’on reconnaît le style du marquis de Sade, est généralement considéré comme n’étant pas l’expression absolue de la vérité, et tous les bibliographes sont d’accord pour affirmer que le texte de la première édition est antérieur à celui de cette édition et que ce n’est que devant le succès inespéré qui accueillit son ouvrage, que le marquis de Sade conçut l’idée de sa Nouvelle Justine et de sa Juliette en 10 volumes. D’ailleurs, tous les doutes ont été levés par l’examen que nous avons fait du manuscrit contenant le texte original et encore inédit de Justine, manuscrit qui se termine par la note suivante de la main du marquis de Sade même : « Fini au bout de 15 jours, le 8 juillet 1784. » (Voir 501-502).

Il est possible, cependant, que Juliette ait été commencée au moment où paraissait la première version imprimée de Justine. Les arguments en faveur de cette thèse sont fournis par Alcide