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Page:Apollinaire - L’Enfer de la Bibliothèque nationale.djvu/259

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temps avant de le voir. Dès qu’on l’a vu, on l’a assez vu. Le paradoxe de Diderot, qui vient inattendu comme un refrain dans la rue, tourne le coin et disparaît avec désinvolture aussitôt qu’il s’est montré. Le paradoxe de de Sade se prélasse lourdement, se pavane comme un benêt, s’épuise en vains efforts pour se montrer sous toutes ses faces, pour s’imposer à l’attention, il voudrait bien être impertinent, il ne réussit qu’à être insupportable. Et, comme bien on pense, le style vaut la pensée. Celui-ci ne vaut pas même le style des gazettes du temps. On traverse de mornes steppes de papier imprimé sans rien trouver de bien tourné, d’élégant, de gracieux, sans la moindre trace qui révèle un esprit curieux, sinon un artiste, une main habile, sinon un génie profond. L’expression est vague, flottante, indécise, incolore, l’exposé va à la dérive et, malgré une apparence de rigueur et un étalage de logique, on le suit désarticulé et sans force. Si tous les pornographes écrivaient de ce style, nous n’aurions bientôt plus à lire que les discours de M. Bérenger et les mandements des Évêques. On ne supporte pas une caillette qui tient bureau d’esprit. A-t-on idée d’un écrivain qui tient bureau d’immoralité ? L’immoralité en dix leçons, voilà la Philosophie dans le boudoir et le sous-titre que l’on propose n’a vraiment rien de séduisant. Catéchisme pour catéchisme, j’aime mieux l’autre, le vieux ; il a du moins l’avantage d’être beaucoup moins long, car de Sade n’a pas seulement l’imagination meurtrière, il a la dissertation mortelle, et parmi toutes les tortures qu’il imagine pour les victimes imaginaires de sa manie, s’il a oublié celle du bâillement, c’est qu’il l’a réservée à ses lecteurs. »


537. — La Philosophie dans le Boudoir, ouvrage posthume par l’Auteur de Justine. Tome premier [second] « La mère en prescrira la lecture à sa fille. » — Londres. Aux dépens de la Compagnie, MDCCXCXV.

2 parties en 1 volume in-18 (vers 1835) de 172 et 216 p., demi-reliure veau brun, plats marbrés, dos orné, entièrement non rogné, avec 10 lithos libres avec des personnages vêtus à la mode de 1830. Par le marquis de Sade. Ex-libris de M. Lebrun.

Voir 535-536 (notre notice), et 802-803.