Page:Apollinaire - L’Hérésiarque et Cie.djvu/19

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consistait à paraître enceintes. C’est d’ailleurs leur seule beauté. Le second cortège était celui d’un juif qu’on menait pendre. Avec la foule hurlante et saoule de bière, je marchai jusqu’aux potences. Le juif avait la tête prise dans un masque de fer peint en rouge. Ce masque simulait une figure diabolique, dont les oreilles avaient, à vrai dire, la forme des cornets qui sont les oreilles d’âne dont on coiffe les méchants enfants. Le nez s’allongeait en pointe, et, pesant, forçait le malheureux à marcher courbé. Une langue immense, plate, étroite et roulée complétait ce jouet incommode. Nulle femme n’avait pitié du juif. Aucune n’eut l’idée d’essuyer sa face suante sous le masque, — comme cette inconnue qui essuya le visage de Jésus avec le linge appelé Sainte-Véronique. Ayant remarqué qu’un valet du cortège menait deux gros chiens en laisse, la plèbe exigea qu’on les pendît aux côtés du juif. Je trouvai que c’était un double sacrilège, au point de vue de la religion de ces gens-là, qui firent du juif une sorte de Christ navrant, et au point de vue de l’humanité, car je déteste les animaux, monsieur, et ne supporte pas qu’on les traite en hommes ! — Vous êtes Israélite, n’est-ce pas ? dis-je simplement.