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LE POÈTE ASSASSINÉ

Sa natte dans le dos, elle venait de cueillir des figues et en laissait couler des gouttes laiteuses dans une jatte de lait. Elle sourit à Croniamantal en disant : « Voulez-vous goûter le lait caillé ? » Il dit que non, car il ne l’aimait pas.

— Avez-vous bien reposé ? demanda-t-elle.

— Non, il y a trop de moustiques.

— Vous savez, quand on a été piqué, on n’a qu’à se frotter avec du citron et pour ne pas l’être on se met de la vaseline sur le visage avant de se coucher. Moi, elles ne me piquent pas.

— Ça serait dommage. Car vous êtes très jolie et on a dû vous le dire souvent.

— Il y en a qui le disent et d’autres qui le pensent sans le dire, il y en a. Pour ceux qui me le disent, ça ne me fait ni froid, ni chaud, pour les autres c’est tant pis pour eux, c’est…

Et François des Ygrées imagina aussitôt une fable pour les timides :

Fable de l’huître et du hareng

Une huître vivait belle et sage, sur une roche. Elle ne rêvait pas d’amour, mais pendant les beaux jours bayait au soleil béatement. Un hareng la vit