Page:Apollinaire - Le Poète assassiné, 1916.djvu/155

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
41
LE POÈTE ASSASSINÉ

et ce fut le coup de foudre. Il s’en amouracha éperdument sans oser le lui avouer.

Un jour d’été, heureuse et coite, l’huître bâillait. Tapi derrière un rocher, le hareng la contemplait, mais tout à coup le désir de donner un baiser à sa bien aimée devint si fort qu’il ne put le réfréner.

Il se jette alors entre les écailles ouvertes de l’huître et, surprise, elle les referme soudain, décapitant le misérable dont le corps flotte sans tête, à l’aventure, sur l’océan.

— C’était tant pis pour le hareng, dit Mia en riant, il était par trop bête. Moi, je veux bien qu’on me dise que je suis jolie, mais pas pour rire, pour que nous se fiancions…

Et François des Ygrées remarqua pour la noter cette curieuse particularité de syntaxe qui fait conjuguer le pluriel des verbes pronominaux avec le concours unique, à chaque personne, du pronom réfléchi de la troisième personne : nous se fiançons, vous se fiançez… Et il pensait encore :

« Elle ne m’aime pas. Macarée morte. Mia indifférente. Allons, je suis malheureux en amour. »

Un jour, il se trouvait dans le vallon des Gau-